
La population peut s'adresser à la DG Personnes handicapées du SPF Sécurité sociale pour obtenir un certain nombre d'allocations et autres formes de soutien. Toutefois, de nombreux demandeurs ne se présentent pas à l'examen médical, sans non plus penser à prévenir de leur absence. Une communication adaptée pourrait-elle éventuellement apporter une solution au pourcentage élevé de non-présentation ?
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Pour pouvoir bénéficier d'une allocation, d'une carte de stationnement ou d'une carte de réduction pour les transports publics, le handicap doit d'abord être reconnu. Dans certains cas, la DG Personnes handicapées invite le demandeur à passer un examen médical. Il est important de répondre à cette invitation, car une absence répétée peut entraîner la perte de ce droit à l'aide.
Workflow d'une demande d'invalidité -
Pourtant, la DG Personnes handicapées est confrontée à un haut pourcentage de non-présentation. Selon une enquête réalisée en interne, ils s'agirait d'un des principaux problèmes du service, causant de plus un impact négatif sur son fonctionnement. En effet, quelque 10 % des candidats manquent à l'appel, même après avoir été rappelés à l'ordre. En conséquence, des effets négatifs pour toutes les personnes concernées : un ralentissement de l'administration du service, une frustration du corps médical, une augmentation des temps d'attente et des dépenses inutiles à la société.
Mais pourquoi les demandeurs ne se présentent-ils pas au rendez-vous ? Inutile de s'encombrer d'hypothèses qui ne mènent nulle part. Un certain nombre d’absents a donc été interrogé par téléphone sur les raisons de leur non-présentation. Il en est ressorti que la mauvaise volonté ne serait pas à blâmer. Les absents oublient leur rendez-vous, n'ont pas de moyen de s'y rendre, ou souffrent de graves problèmes de santé. Le travail et les vacances font également partie de l'équation, tout comme la méconnaissance des raisons pour lesquelles cet examen médical est nécessaire. Consciente de cette information, la DG Personnes handicapées a pu s'atteler à réduire le pourcentage de non-présentation.
Un petit coup de pouce
Au cours de la dernière décennie, des expériences de « nudging » ont été rondement menées dans le but de réduire toutes sortes de comportements indésirables. Grâce à cette technique, les sujets sont poussés à prendre de meilleures décisions au travers de changements subtils dans leur environnement. Leur liberté de choix est maintenue mais leur comportement change de manière prévisible, et ce sans restrictions ou incitations financières. Des traces de pas menant aux escaliers plutôt qu'aux ascenseurs, par exemple, ou bien l'emplacement stratégique des sucreries aux caisses des supermarchés.
La DG Personnes handicapées s'est inspirée de ces nombreuses expériences réussies pour mener la sienne. Enya Versavel et Jolien Kouwenhoven ont passé près d'un an à étudier le « nudging » avec enthousiasme, et à évaluer s'il pouvait aider à régler le problème de non-présentation aux examens médicaux. Pour ce faire, elles se sont inspirées du modèle « design thinking » : empathize, define, ideate, prototype et test. Après une étude de la littérature et une recherche comportementale, elles conçurent plusieurs interventions, qu'elles ont ensuite testées et évaluées.
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« Concrètement, ce projet est composé de trois interventions. Nous avons simplifié la convocation et l'avons enrichie de diverses techniques de nudging, nous avons rédigé une brochure et prévu deux SMS de rappel », raconte Enya. Si nous mentionnons le comportement souhaité de manière explicite, le demandeur a les attentes du service clairement à l'esprit. Insister sur le contenu de la convocation en termes de pertes et profits lui donne une idée précise des conséquences pour lui-même et les autres personnes concernées s'il décide (ou non) d'y répondre. Enfin, le demandeur se sent plus concerné s'il est interpellé personnellement.
Afin de mettre en place ces interventions, Enya et Jolien ont entretenu des discussions ouvertes en interne et en externe avec toutes les parties concernées : « Nous travaillions systématiquement avec des retours en boucle, afin que le projet soit certainement soutenu au sein de l'organisation. L'implication et l'intérêt sont en effet très importants dans la voie commune vers le succès. Les ajustements nécessaires ont en outre toujours pu être prévus », poursuit Jolien.
Testé et éprouvé : le progrès social
Deux périodes d'essai de trois mois chacune ont ensuite révélé les effets des interventions. Le centre médical de Hasselt et celui de Gand ont recensé l'absentéisme de chaque personne au cours de cette période, ainsi que la raison éventuelle. Diviser les sujets en quatre groupes permit d'identifier clairement les effets des différentes interventions. Dans les deux centres, ces interventions eurent toutes un effet positif sur la présence et sur le rappel en cas d'absence. Le SMS s'est avéré être le plus efficace, mais la diminution des absences sans nécessité d'envoyer un message est surtout due à la combinaison de plusieurs interventions.
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Le coût est totalement compensé par le progrès social atteint grâce à nos services.
NameEnya VersavelFunctionEmployée de la DG Personnes Handicapées -
À petite échelle, les résultats de cette expérience peuvent avoir un impact positif majeur au de la société. La DG Personnes handicapées compte donc effectivement déployer ces interventions. Les centres de toute la Belgique pourront se servir de la convocation modifiée et choisir d'y joindre la brochure ou de la proposer à l'accueil. Envoyer un SMS n'est pas encore possible dans le système actuel, mais cette solution sera bientôt mise en œuvre. Le projet s'est clôturé avec l'annonce de ses résultats. Le seul suivi encore prévu consiste à en analyser les effets à plus long terme dans les différentes provinces.
« La plus grande leçon que nous avons tirée est que l'utilisation du ‘nudging’ comporte certains avantages, mais qu'il faut d'abord adapter sa communication de base au citoyen. Après tout, c'est le citoyen qui doit être au centre, et non l'autorité publique. Toutes les techniques et connaissances seront certainement prises en compte dans nos prochains projets de communication et de prestation de services. Notre prochain projet sur l'expertise citoyenne, par exemple, se penchera sur comment nous pouvons, en tant que service, exploiter les connaissances du citoyen », explique Jolien.
Vous souhaitez en savoir plus sur le projet ou vous lancer vous-même dans l'aventure ? Vous trouverez le rapport de non-présentation complet ici.
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Participant(s)
Enya Versavel & Jolien Kouwenhoven
SPF Sécurité sociale
Date de publication
08 juillet 2020